Finca à Majorque

Problèmes liés au règlement international des successions : l'exemple de l'Espagne

Plusieurs centaines de milliers d'Allemands sont propriétaires d'un bien immobilier en Espagne, qu'il s'agisse d'un petit appartement de vacances sur le continent espagnol ou d'une luxueuse propriété sur l'une des îles espagnoles. L'achat du bien immobilier est rapide, car il existe en Espagne, en tout cas dans les régions touristiques typiques, toute une industrie spécialisée dans les Allemands. De l'agent immobilier allemand sur place aux notaires spécialisés dans les Allemands, en passant par les intermédiaires financiers germanophones, l'éventail des prestataires de services qui travaillent main dans la main facilite grandement l'acquisition de ce qui convient, à condition de disposer du patrimoine nécessaire.

1. règlement de la succession en Espagne

Après une succession, il s'avère toutefois que les obstacles rencontrés dans le cadre de l'achat du bien immobilier sont dérisoires par rapport aux exigences juridiques, linguistiques et surtout temporelles auxquelles les héritiers doivent désormais faire face et qu'ils doivent surmonter.

Exemple (reproduit) : Dans les années 1980, le couple Müller, sans enfant, acquiert un appartement de vacances sur la Costa Brava. Au milieu des années 2000, ils rédigent un testament. Dans un premier temps, Monsieur et Madame Müller se désignent mutuellement comme héritiers. Peter et Silke Schmidt, un jeune couple d'amis qui a aidé M. et Mme Müller pendant des années dans les tâches ménagères et dans d'autres domaines, deviennent les héritiers de l'époux qui vit depuis plus longtemps. Sur la base de ce testament, M. Müller hérite de son épouse en 2013. Comme la santé de M. Müller n'est déjà plus très bonne à cette époque, il règle certes la succession de son épouse en Allemagne. En revanche, il n'entreprend rien en Espagne : il ne fait pas transférer l'appartement à son nom et n'annonce pas le décès à un organisme espagnol. Il n'informe pas non plus la banque espagnole auprès de laquelle lui et sa défunte épouse avaient ouvert un compte commun, qui était et reste nécessaire pour le bien immobilier. Lorsque M. Müller décède au printemps 2015, M. et Mme Schmidt héritent de lui conformément aux dispositions testamentaires. Ils demandent un certificat d'héritier commun et règlent ainsi l'ensemble de la succession, pour autant qu'elle soit située en Allemagne. En ce qui concerne l'appartement en Espagne, ils sont confrontés à un seul point d'interrogation. Ils ne parlent pas espagnol et ne savent pas non plus à quels services ils peuvent et doivent s'adresser, dans quel ordre, ni quels sont les délais à respecter.

Dans l'exemple de Müller, comme dans d'autres cas de règlement de succession en Espagne, il a fallu environ un an pour obtenir, après de nombreux appels téléphoniques et une vaste correspondance avec les services compétents en Allemagne et surtout en Espagne, le numéro fiscal espagnol.

  • le numéro d'identification fiscale espagnol requis était disponible,

  • les services espagnols à interroger après une succession avaient donné des renseignements à Madrid,

  • les documents allemands nécessaires à la transcription de l'appartement d'abord au nom de M. Müller en tant qu'héritier de son épouse avaient été obtenus,

  • le certificat d'héritier allemand au nom de M. Müller était disponible, accompagné d'une "apostille",

  • tous les documents ont été traduits en espagnol et contrôlés par les autorités espagnoles,

  • l'impôt sur la plus-value du bien immobilier avait été fixé et payé en Espagne,

  • la double acceptation de la succession de M. Müller et de son épouse prédécédée avait été déclarée en Espagne auprès d'un notaire espagnol,

  • la banque espagnole a accepté M. et Mme Schmidt comme nouveaux titulaires de compte,

  • les droits de succession espagnols avaient été fixés et payés pour les deux successions,

  • le registre foncier espagnol avait été corrigé et M. et Mme Schmidt inscrits en tant que nouveaux propriétaires, et enfin

  • la déclaration d'impôt sur le revenu à remettre chaque année pour les biens immobiliers de vacances à usage personnel avait été établie et déposée.

Il n'est certes pas courant qu'en Espagne, deux successions doivent être réglées ensemble. Mais même s'il ne s'agit "que" d'une seule succession, la procédure en Espagne est longue et fastidieuse et ne peut être menée à bien sans l'aide d'un professionnel, tant en Allemagne qu'en Espagne. Sans compter que la pratique montre régulièrement que les successions en Allemagne ne sont pas déclarées en Espagne, parfois pendant des années.

2) "Impôt international sur les successions" : double imposition des successions allemandes/espagnoles

Le règlement des droits de succession espagnols ne marque toutefois pas la fin du "règlement international des successions". En effet, de manière générale, les successions allemandes/espagnoles posent le problème de l'assujettissement des héritiers aux droits de succession tant en Allemagne qu'en Espagne. Certes, il existe depuis des décennies une convention de double imposition entre l'Allemagne et l'Espagne. Mais elle ne couvre justement pas le domaine des impôts sur les successions et les donations. Par conséquent, des droits de succession sont ou peuvent être dus dans les deux pays. En Espagne, il existe en outre une particularité : il existe certes une loi sur les droits de succession applicable à l'ensemble du pays. Les différentes régions autonomes espagnoles - comparables aux Länder allemands, mais avec le droit d'édicter des lois largement autonomes - ont toutefois adopté chacune une loi qui s'en écarte nettement. Le droit fiscal espagnol applicable dans un cas particulier dépend notamment de la question de savoir si l'héritier est un "résident" en Espagne et, le cas échéant, où il se trouve. La situation se complique encore si l'on tient compte du fait qu'en Espagne - contrairement à l'Allemagne - les donations et les successions sont évaluées différemment et peuvent donner lieu à des impôts d'un montant totalement différent. Dans ce cas, si l'on ne dispose pas de conseillers multilingues spécialisés dans le domaine juridique et fiscal de chaque pays, on est d'emblée perdant. Cela vaut en particulier aussi pour la problématique des interfaces. L'expérience montre en effet qu'il ne suffit pas de connaître les particularités de l'Allemagne ou de l'Espagne de manière isolée. Si les deux ne sont pas liés, une recommandation qui est par exemple judicieuse en Allemagne peut avoir des conséquences catastrophiques en Espagne.

Exemple négatif : un conseiller fiscal allemand recommande à un client allemand fortuné de faire une donation de 400.000 euros à son fils qui étudie et vit en Espagne "pour profiter des abattements". Isolée du point de vue allemand, la recommandation est correcte, car les abattements fiscaux par enfant et par parent sont justement de 400.000 EUR. Mais si elle conduit, comme dans l'exemple concret, à ce que le fils doive payer 57.000 EUR ( !) d'impôt sur les donations à Barcelone, parce que le conseiller fiscal allemand a commis plusieurs erreurs - ainsi, par exemple, l'impôt en Espagne n'aurait été "que" de 24.000 EUR si la donation avait été authentifiée par un notaire espagnol -, on constate que des connaissances isolées ne suffisent pas dans le domaine international.

3. règlement européen sur les successions, ou : quel droit s'applique ?

Dans l'exemple de Müller, la succession se situait au printemps 2015. En revanche, si Monsieur Müller était décédé à l'automne 2015, la situation juridique serait encore plus complexe. En effet, le 17 août 2015, le règlement européen sur les successions est entré en vigueur. Il règle la question de savoir quel droit successoral national doit être appliqué en cas de succession présentant un lien avec l'étranger. Au premier abord, cela semble très technique et peu spectaculaire. En réalité, les conséquences sont toutefois énormes. En effet, à partir du 17 août 2015, le droit allemand ne se basera plus sur la nationalité comme auparavant. C'est plutôt le "dernier lieu de résidence habituel" qui est déterminant.

Exemple : si un Allemand décède en Espagne, il était clair jusqu'à présent que seul le droit successoral allemand s'appliquait. Mais depuis août 2015, le droit successoral espagnol s'applique si le défunt a transféré son centre de vie en Espagne.

Le droit successoral espagnol est toutefois très différent du droit allemand et donne des résultats totalement différents : En Allemagne, le conjoint qui vit depuis longtemps joue un rôle central. En revanche, le droit successoral espagnol place les enfants au centre et attribue au conjoint vivant depuis longtemps une position beaucoup plus faible que dans le système juridique allemand. Le droit successoral est encore différent dans les différentes régions autonomes espagnoles et, a fortiori, dans les autres pays européens et extra-européens.

Exemple : si un veuf allemand s'installe chez son fils vivant aux États-Unis, c'est le droit (successoral) de l'État américain dans lequel le père âgé décède qui s'applique.

Les conséquences dans cet exemple sont graves. Elles vont jusqu'à la perte de la réserve héréditaire des autres enfants du défunt vivant en Allemagne, à savoir si le père les déshérite et désigne son fils "américain" comme unique héritier. En effet, 49 des 50 États américains ne connaissent pas la réserve héréditaire. En conséquence, la "délocalisation du testateur" - pour reprendre l'expression appropriée utilisée dans la littérature spécialisée - peut annuler l'ensemble du droit allemand relatif à la réserve héréditaire.

4. choix de la loi

Le règlement successoral européen n'est pas seulement problématique pour les Allemands qui ont leur domicile fixe à l'étranger ou qui y passent plusieurs mois par an. En principe, il s'applique à toutes les successions à l'étranger, même si le séjour sur place n'est que de courte durée. Le nouveau droit s'applique en particulier aux Allemands qui, par exemple, passent le semestre d'hiver dans leur maison dans le sud et qui, par hasard, y décèdent. En Europe du moins, le problème peut être atténué si le testateur rédige un testament et choisit la loi applicable. Quel que soit le pays dans lequel il réside, il peut décider par testament que le droit (successoral) applicable sera celui de l'État dont il est ressortissant. Un Allemand vivant en Espagne peut donc choisir le droit allemand. La possibilité de choisir la loi applicable trouve toutefois ses limites si le testateur réside dans un pays non européen, par exemple aux États-Unis. Dans ce cas, il y a à nouveau un conflit qui doit être résolu selon les règles propres à chaque cas.

5) Conclusion

Les valeurs patrimoniales à l'étranger sont insidieuses. Autant il est facile d'acquérir un bien immobilier en Espagne, par exemple, autant les pièges à éviter après la succession sont complexes, vastes et inattendus. Ces difficultés constituent en quelque sorte une sorte d'hypothèque invisible qui est forcément acquise au moment de l'achat, qui sommeille sous la surface et qui ne se révèle qu'au moment de la succession et, sous une forme légèrement différente, au moment de la vente. Mais alors avec force. C'est notamment pour cette raison que l'une des règles d'or dans le domaine international est la suivante : rien sans un spécialiste sur place ! Cette règle s'applique aux avocats et aux conseillers fiscaux, et plus encore à toute personne disposant d'un patrimoine à l'étranger, par exemple la fameuse "finca à Majorque".

Mise à jour : 15.11.2016