Obligation de légalité de la direction de l'entreprise vs indépendance du bureau de signalement interne
La loi sur la protection des lanceurs d'alerte prévoit au § 15 l'indépendance de la cellule de signalement interne dans l'exercice de ses fonctions. Elle ne doit donc pas être soumise au droit d'instruction de l'employeur. En outre, selon la HinSchG, la cellule de signalement interne doit prendre des mesures de suivi pour enquêter sur les violations signalées. Selon la loi, les mesures de suivi peuvent inclure des enquêtes internes. En revanche, la direction de l'entreprise est déjà tenue, en vertu de son obligation de légalité, d'élucider les indices de comportement fautif et d'y remédier. Les mesures d'information de la direction de l'entreprise ne sont toutefois rien d'autre que des enquêtes internes.
Ici, une zone de tension apparaît assez rapidement entre les compétences de la cellule de signalement interne dans le cadre de son indépendance et les intérêts et obligations de la direction de l'entreprise dans le cadre de son devoir de légalité. Qui est réellement compétent dans ces cas ? Qui doit donner la priorité aux enquêtes ?
Si l'on se base sur le simple libellé de la loi, la cellule de renseignement interne devrait pouvoir mener des enquêtes internes de manière indépendante, c'est-à-dire en passant quasiment outre la direction de l'entreprise. Mais cela peut avoir des conséquences importantes et graves. Les enquêtes internes sont un sujet sensible et lourd de responsabilités, qui requiert de nombreuses connaissances juridiques. Déjà sur le plan technique, la cellule de renseignement interne, qui, selon la loi, ne doit présenter que les "connaissances techniques nécessaires", ne devrait pas être en mesure de prendre des décisions adéquates de manière autonome. Si cette tâche incombait effectivement à la cellule de renseignement financier interne, celle-ci pourrait sans problème, même contre la volonté de la direction de l'entreprise, commander des enquêtes coûteuses dont les résultats pourraient, dans le pire des cas, mettre en danger l'ensemble de l'entreprise. Il en résulterait une sorte d'autorité d'enquête dans ses propres rangs, qui pourrait le cas échéant faire échouer les enquêtes initiées par la direction de l'entreprise.
Si l'on considère en outre que la responsabilité de l'élucidation des infractions et le risque de responsabilité (personnelle) incombent toujours à la direction de l'entreprise, on ne peut que nier l'indépendance totale de la cellule de renseignement financier interne dans le cadre des mesures de suivi et le législateur ne l'a pas non plus souhaité. La question de savoir comment résoudre ce problème d'un point de vue dogmatique reste ouverte. L'approche de la réduction téléologique de l'article 15, paragraphe 1, première phrase, de Dilling, selon laquelle la cellule de renseignement financier interne peut tout au plus être indépendante lors de l'exploitation des canaux de signalement conformément à l'article 16 et lors de la gestion de la procédure conformément à l'article 17, paragraphe 1, points 1-5, paragraphe 2, semble judicieuse, mais pas lors de l'adoption de mesures de suivi, pour lesquelles la direction de l'entreprise est compétente et responsable selon le droit des sociétés en vigueur (BeckOK HinSchG/Dilling, 1ère édition 15.10.2023, HinSchG § 15 Rn. 8).
Il faut en tout cas retenir que la direction de l'entreprise - ne serait-ce qu'en raison de son obligation de légalité et de ses risques de responsabilité - doit avoir la possibilité d'influer tant sur la décision d'ouvrir des enquêtes internes que sur leur déroulement. Mais même cela est insuffisant en soi, si l'on considère que la direction de l'entreprise assume en cas de doute l'entière responsabilité. Dans la pratique, ce problème pourrait être résolu en ce sens que la cellule de renseignement financier interne renvoie, en application de l'article 18, paragraphe 4, point a), à l'instance compétente en interne pour la suite des investigations. Il faudrait alors préciser que ce service est la direction de l'entreprise. Celle-ci disposerait alors formellement, conformément à la conception de la loi sur la protection des lanceurs d'alerte, du pouvoir qui lui est déjà conféré par le droit général des sociétés (voir également BeckOK HinSchG/Dilling, 1ère édition, 15.10.2023, HinSchG § 15 Rn. 11 et suiv. avec d'autres propositions de mise en œuvre).
Les entreprises ont tout intérêt à régler formellement et à temps les éventuelles situations conflictuelles avec leur cellule de renseignement financier interne en ce qui concerne les compétences, les pouvoirs et les tâches. Si la crise survient, il faut agir rapidement. Si l'on doit d'abord clarifier les compétences et les éventuels conflits avec le service d'alerte interne, on perd un temps précieux. En outre, il faut éviter que la cellule de renseignement interne, estimant à tort ses compétences, ait déjà ordonné l'ouverture d'enquêtes internes avant même que la direction de l'entreprise ait pu prendre des mesures.
Mise à jour : 11.12.2023